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L'Antiquité à Loisey
La recherche archéologique et historique. Les publications concernant les recherches archéologiques et historiques en Lorraine furent préalablement initiées par de nombreux auteurs locaux mais ce n'est que vers le XVIème siècle que l'on commencera à en compiler véritablement les résultats. Pour ce qui nous concerne, ce n'est qu'à partir du XVIIIème siècle que l'on pourra trouver en la personne de Dom Augustin Calmet, abbé bénédictin de Senones dans les Vosges, l'un des premiers érudits qui sut classer et répertorier correctement les archives et l'histoire pour chaque village lorrain concerné, une documentation riche et variée malgré quelques erreurs et lacunes. Parmi les oeuvres publiées, il faut citer sa trés célèbre "Notice de la Lorraine" un gros ouvrage de plus de 1000 pages en deux volumes, édité en 1756, et trés utile à l'époque vue la maigre ressource d'information dont disposait jusqu'alors l' histoire de beaucoup de nos petits villages meusiens. Il faut attendre 1804 pour voir apparaitre dans le "Narrateur de la Meuse" (le tout premier journal périodique meusien) des articles écrits par Mr Claude-François Denis, archéologue de Commercy, inspiré par une nouvelle approche scientifique de l'archéologie, et à qui l'on doit les premières recherches concernant l'Antiquité, surtout dans les grands centres celtiques et gallo-romains de la région, en l'occurence ici l'oppidum de Boviolles et le site de Nasium. Ce XIXème siècle naissant verra alors se développer de façon exponentielle de nouvelles recherches archéologiques et de nouvelles publications. Elles même associées avec ce que l'on pourra appeler dorénavant les "Sociétés savantes meusiennes"... Parmi celles-ci, on peut citer la "Société philomatique de Verdun" animée par Mr Félix Liénard à qui l'on devra "L'archéologie de la Meuse" en trois volumes publiée aprés 1880, et surtout la "Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc" créée en 1871. Cette dernière regroupera de nombreuses personnes trés "instruites" pour l'époque, et axées sur divers centres d'intérêt. Elle aura, pour la partie recherche concernant la période antique, quelques brillants érudits, comme par exemple, le comte Hippolyte de Widranges de Ligny-en-Barrois, et surtout Léon Maxe-Werly de Bar-le-Duc qui parcourera en son temps la région dans tous les sens dans le but de tenter d'établir une relative vérité historique sur le Barrois dans l'Antiquité. Le XXème siècle poursuivra le travail important fourni par l'engouement prononcé pendant le Second Empire pour la recherche antique tout en améliorant les techniques. On peut citer pour cette période le trés utile "Répertoire archéologique du département de la Meuse" publié par Mr Maurice Toussaint en 1946 qui fera une mise à jour assez explicite avec hélas pour nous un silence concernant le village de Loisey, mis à part les voies romaines desservant quelques villages aux alentours. La "Carte archéologique de la Gaule - La Meuse 55" de Mr Franck Mourot sortie il y a quelques années ne sera pas plus éloquente faute de découvertes récentes. Le siècle passé et notre dernière décennie se sont distingués par une recherche et une façon de plus en plus méthodique de pratiquer l'archéologie, maintenant associée à une technologie de plus en plus performante. Tout cela sera assurément un plus pour tenter de renouer avec notre Histoire aussi discrète qu'elle est lointaine. Chaque indice même minime nous sera trés utile plus nous voudrons remonter loin dans le passé !
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L'époque gauloise. Officiellement, le territoire de Loisey n'a révélé jusqu'à présent aucune découverte archéologique majeure qui prouverait son occupation à une période antérieure à l'occupation romaine. Néanmoins, Je pense qu'il peut être intéressant de rapporter une rumeur de "traces d'habitations gauloises" à Loisey, même si cela a hélas été présenté sans recherches trés poussées et sans preuves scientifiques formelles par Hyppolyte de Widranges dans son étude de 1873 concernant les voies romaines dans le Sud-Meusien.
Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc 1873
Juste avant la conquête des Gaules par Jules César, on sait que trois tribus celtiques s'étaient établies en Lorraine vers le IIIème siècle avant J-C : Les "Trévires" au nord dans la vallée de la Moselle, les "Médiomatriques" au centre, entre la forêt d' Argonne et le Rhin ; et enfin au sud les "Leuques" implantés entre le sud de l' Argonne et le versant ouest des Vosges. En Lorraine, comme partout en Gaule, il existait une centaine d'agglomérations fortifiées (les oppida) dont une dizaine de relativement importants. Un oppidum était un grand camp fortifié, souvent construit sur une hauteur ou un site protégé naturellement (colline, confluence ou méandres de rivière, éperon rocheux, etc...) et celui-ci était généralement protégé et entouré par des remparts construits à l'aide de terre, de pierres, et de bois. Les peuple des Leuques, qui occupait primitivement le Barrois, avait apparemment décidé d'implanter sa principale bourgade au sommet d'un petit promontoire : L'oppidum de Boviolles ( situé à une quinzaine de kilomètres du futur Loisey). Du type "éperon barré", cet oppidum dominait le confluent des vallées de l'Ornain et de la Barboure ( deux rivières du département de la Meuse ). Il était naturellement protégé sur trois côtés par des pentes escarpées, avec une protection assurée sur le côté du plateau par un rempart ( murus gallicus ) précédé d' un impressionnant fossé ! D'une superficie de 55 hectares, l'oppidum de Boviolles devait être la " capitale " des Leuques où l'on frappait la monnaie : une quantité considérable de pièces gauloises y a été recueillie ! Cet oppidum, d'où l'on a déjà extrait de nombreux objets archéologiques semble avoir été occupé du second Age du fer jusqu'à l'abandon progressif du site, aprés la conquête romaine !
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La ville de Nasium, issue du déplacement du site de hauteur de l'oppidum de Boviolles vers la vallée toute proche, se développa rapidement dès le début de l'occupation romaine. Cette ville gallo-romaine, dont les vestiges s'étalent actuellement sur le territoire de trois villages, fait l'objet en ce moment de nombreuses recherches et investigations dans le domaine archéologique, et fournit de nombreux arguments pour considérer et classer celle-ci comme chef-lieu de cité pendant le Haut-Empire Romain. Durant les huit années de la campagne de Jules César en Gaule, celui-ci n'entreprit aucune action contre les Leuques qui n'avaient pas pris les armes contre lui ! Il les cite même pour avoir fourni du blé aux troupes romaines traversant le pays... Après la défaite gauloise d'Alésia en 52 avant JC et la perte de leur indépendance, les Leuques entrèrent donc dans la paix romaine, et leur territoire fut rattaché à la province dite de Gaule Belgique dont Reims devint la capitale ! La période du Haut-Empire s'étendant sur les Ier et IIème siècles, peu troublée, vit l'épanouissement de la civilisation gallo-romaine dans nos cités voisines de Nasium, de Metz, de Toul, et de Verdun, ainsi que l'apogée du sanctuaire de Grand dans les Vosges. Toutes ces cités étaient divisées en un certain nombre de circonscriptions désignées sous le nom de "pagus" (pays). Ouverte au IIIème siècle par une longue crise politique, la période du Bas-Empire Romain fut marquée par une série d'invasions barbares qui minèrent le pays et l'Empire. La situation s'aggrava au cours du Vème siècle, les frontières de l'Empire n'étant plus protégées . Metz fut entièrement pillée et incendiée par les hordes d'Attila en avril 451, laissant le champ libre aux Francs et aux Alamans. Agonisant, l'Empire Romain d'Occident disparut en 476, terminant ainsi la période romaine pour nos régions. A l'aube du Moyen-Âge, tandis que sa grande voisine Nasium continuera de s'enfoncer dans la ruine, Caturiges, la future Bar-le-Duc, se développera et recevra le titre de capitale du "Pagus Barrensis". C'est sans doute à cette époque que se serait formé le premier sanctuaire chrétien de la ville, à proximité de la voie romaine et de l'église Notre-Dame.
Les voies romaines. Les anciens chemins gaulois de nos régions du Nord-Est de la Gaule avaient déjà acquis une grande importance jusqu'à la veille de la conquête romaine. Mais les tribus gauloises étant souvent belliqueuses entre elles, on ne peut évidemment pas mesurer l'influence que cela a apporté dans leur volonté de créer ces véritables premières voies. Une fois en place, les romains entreprirent la création d'un remarquable système de communications et d'un réseau routier organisé. Leur intention fut surtout d'ordre statégique et politique : Transmission des ordres et déplacement des troupes. Des voies romaines qui facilitèrent aussi par la suite l'occupation totale du territoire et le développement économique. La Table de Peutinger, genre d'itinéraire routier de l'Antiquité, serait une copie médiévale effectuée dans une abbaye de Colmar d'un document semblant dater du Bas-Empire romain. Elle fut découverte à Worms ou à Spire à la fin du XVème siècle et léguée en 1508 à un humaniste allemand : Konrad Peutinger d'Augsbourg (1465-1547). Cette fameuse Table de Peutinger semblerait être elle-même une reprise de la carte de l'empire romain établie sous Agrippa, qui formait une fresque sur le mur d'un portique de Rome ! Cette "carte" complétement déformée dans le sens des longitudes et des latitudes ressemble à un assemblage de tronçons routiers avec des mentions de distances en lieues gauloises de 2222 mètres. Ce document, quoique exeptionnel, présente malgré tout quelques erreurs et insuffisances qui imposent la prudence dans son utilisation ! L'Itinéraire d'Antonin, quand à lui, sorte de guide qui donne la liste des stations routières ( relais et gîtes d'étapes ) et les distances les séparant exprimées en milles romains pour toutes ses routes citées, est à dater de la fin du IIIème siècle. Il était, malgré son nom, sans rapport direct avec l'empereur Antonin ( 86-161 ); et différent sur certains itinéraires de la Table de Peutinger. Il fournissait comme cette dernière des indications pratiques, mais il reste lui aussi un document à utiliser avec prudence à cause de ses imperfections. Ces grandes voies (viae publicae) reliaient en général entre elles les villes et les agglomérations secondaires. Les diverticules (qui concerneront surtout ici Loisey) formaient un vaste réseau secondaire : les "viae vicinales".
Cette portion de la Table de Peutinger entre Reims et Metz concerne directement la Lorraine. On peut y distinguer : Durocortoro (Reims), Caturices (Bar-le-Duc), Nasie (Naix), Andesina ( Grand ), Tullio (Toul), Divo Durimedio Matricorum (Metz). Les cours d'eau : Mose (Meuse), et Musalla (Moselle), ont été visiblement tracés au hasard.
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La voie secondaire vers Saint-Mihiel. Pour tous les meusiens qui la fréquente sans en connaitre véritablement l'histoire, la grande voie romaine de Reims à Metz par Nasium et Toul est restée célèbre dans le département de la Marne sous le toponyme de "Grande Romanie"... Et pour nous situer un peu, nous allons donc préalablement en suivre le tracé une fois cette dernière arrivée en Meuse et à Bar-le-Duc précisément. L'ancienne bourgade gallo-romaine de Bar-le-Duc qui s'appelait à l'époque Caturiges, ainsi que la voie romaine qui la traversait ont été bien repérés et reconnus par le grand archéologue barisien Léon Maxe-Werly à la fin du XIXème siècle... En son temps, la voie romaine pénétrait à l'ouest de Bar-le-Duc par l'actuel quartier de Couchot et le traversait de part en part par la " Rue des Romains " qui est un souvenir de la chaussée antique, et qui se superpose exactement dessus. La voie antique devait longer ensuite l'ancien hôpital et l'église Notre-Dame pour arriver au Pont Triby et gagner le quartier de Marbot. De là, elle longeait le cimetière actuel de la ville de Bar, et se prolongeait sur un chemin parallèle à l'actuelle et bien nommée "Avenue des Romains". Elle se dirigeait ensuite, en suivant la rive droite de l' Ornain, vers la ville de Nasium qui était alors l'une des grandes cités des Leuques. Ce chemin antique était encore signalé sur les cartes d'état-major du XIXème siècle et était également noté "Chemin Romain" à divers endroits sur certaines cartes de randonnée éditées au XXème siècle. Le tracé était même encore parfaitement visible jusqu'à la fin de notre précédent XXème siècle dans les champs et les prés avoisinant, au moins sur la partie traversant les territoires de Longeville-en-Barrois et de Silmont... Et ceci, jusqu'à tant que le remembrement en fasse disparaître encore beaucoup de traces ces dernières années. Le village de Silmont a été particulièrement bien étudié par les archéologues Léon Maxe-Werly et Hippolyte de Widranges au XIXème siècle. Des poteries, ainsi que quelques monnaies romaines ont été découvertes dans ce village, de même que les fondations d'un antique pont traversant l'Ornain au bout de la rue de St-Mihiel... Ces éléments attestent qu'un carrefour et qu'une voie secondaire de l'époque romaine passait là, reliant sans doute les camps romains connus de St-Mihiel à celui de Châlons via l'antique cité de Perthes dans le département de la Haute-Marne. Les villages de Loisey, Culey, et Tannois se situent également sur ce passage... Il faut signaler également que l'étymologie du nom ancien du village laisse penser que Silmont aurait pu héberger dans l'Antiquité un temple ou un petit oratoire. D'ailleurs, diverses substructions antiques ont été également découvertes sous l'emplacement d'un ancien prieuré bien connu dans la région. Celui-ci, hélas, disparaîtra aprés la Révolution. On suppose que l'existence de la voie secondaire de Saint-Mihiel à Châlons-en-Champagne a perduré sur une grande partie de son tracé au minimum jusqu'à l'époque médiévale. A sa fondation d'ailleurs, l'abbaye de Saint-Mihiel semblait posséder à Loisey des vignes ou des terres agricoles. (Voir article sur Loisey "Origine du nom"). Le pont antique de Silmont, devenu ensuite un gué traversant l'Ornain, reliera le village de Tannois à Silmont par un chemin longtemps dénommé "De Saint-Mihiel" même si cette direction indiquée et ce passage deviendront par la suite problématiques aprés les villages de Loisey et de Géry. Car de grandes portions de routes disparaîtront ensuite pendant de longs siècles, remplacées par quelques sentiers, d'autres routes ainsi que d'autres itinéraires. La portion de voie romaine entre Tannois et Loisey a toutefois été parfaitement reconnue par l'archéologue H. de Widranges dans ses recherches sur les voies romaines et indiquée sur une carte reproduite ci-contre. Par chance, signalons tout de même que la route au delà de Loisey et Géry en direction de Lavallée et Erize-Saint-Dizier sera de nouveau entièrement reconstruite vers 1860 (Voir article "Chemins et routes - Apogée de Loisey 1840-1860").
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Extrait de la carte des voies romaines subsistantes dans le Sud-Meusien au XIXème siècle d'après H. de Widranges, avec les noms en latin des diverses localités traversées.
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Une pièce romaine a été récupérée au moment du nettoyage faisant suite à la grande inondation catastrophique du village de Loisey au mois d'août 1972. Elle est pour l'instant l'unique vestige qui nous prouve, sinon une occupation du sol à l'époque romaine, tout au moins le passage possible de quelques voyageurs sur ce qui deviendra par la suite notre village. Cette pièce en bronze patiné représentant l'impératrice Otacilia a été retrouvée dans un jardin au n° 44 de la Grande Rue, et a été datée du milieu du IIIème siècle de notre ère chrétienne par un spécialiste. La période du règne d'Otacilia et de Philippe représentative de cette monnaie est intéressante car elle correspond à la fin de la relative "paix romaine" qui régnait depuis trois siècles sur notre actuelle Lorraine à cette époque. En effet, les premières incursions barbares, subies sporadiquement dés le début des années 250 dans notre région s'intensifièrent par la suite sans relâche dans un Empire Romain d'occident en lente décadence jusqu'à sa chute au milieu du Vème siècle.
La monnaie romaine retrouvée à Loisey en 1972 (Document Bernard Thomas)
Avers : L'impératrice de profil Inscription : MARCIA OTACIL SEVERA AUG (AUGUSTA)
Revers : La Pudeur assise de profil se couvrant de son voile. Inscription : PUDICITIA AUG (AUGUSTA)
OTACILIA : Mariée à Philippe vers l'an 234 de l'ère chrétienne, avant l'avènement de ce dernier au trône. Modeste, elle acheva ses jours dans une vie retirée aprés la mort de son mari en 249. Otacilia Severa et Philippe sont parfois considérés comme le premier couple impérial chrétien, car durant leur règne, les persécutions contre les chrétiens cessèrent et le couple se montra tolérant envers la foi chrétienne.
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