La vie au village
du XVIème au XVIIIème siècle

 

La vie administrative :

Seigneurs et manants - Maires et habitants.

A notre époque, la période des élections municipales est souvent l'occasion de remettre à l'esprit de chacun le rôle des maires.
Nous avons vu dans le chapitre consacré au Moyen Age, que la fonction de maire n'a pas toujours existé. Depuis sa création, elle a beaucoup évolué.
Avant la Révolution, dans nos villages, on ne connaissait que la paroisse dont les habitants (ou manants dans le langage ancien) furent à la fois protégés, soumis, dépendant du seigneur du lieu ou de la châtellenie voisine.
C'est le seigneur qui, pour des raisons administratives, mit en place le mayeur (ancien nom du maire) à des dates que l'on ne peut définir avec certitude.
De toutes les relations des seigneurs entre-eux, des seigneurs et maires, mais surtout des relations entre les habitants et les maires ou les autorités supérieures de l'époque ; seules les traces les plus marquées sont restées jusqu'au début de XVIIIème siècle... comme le fameux traité de 1340 que l'on a découvert aux archives, impliquant seigneurs, maires et échevins dans Loisey et dans divers villages aux alentours...
Les faits relevés dans notre village sont rares... Les maires cités ne sont pour nous que des noms.
Il faudra attendre 1703 pour savoir que la communauté de Loisey prend fait et cause pour Jean Poisson et Nicolas Mathelin, contre une sentence rendue par la Prévôté de Pierrefitte, au sujet du tutorat des enfants mineurs de Dominique Henrion, ainsi que contre d'autres griefs à l'encontre des accusés.
Dans cette affaire, la Prévôté était représentée par Jean Heyblot, écuyer et procureur du Roy (on parle bien sûr ici du Duc de Lorraine), qui verse le 27 octobre 1709, aux syndics de Loisey "400 livres en or et argent payés, comptés, nombrés en présence de notaires".
Cette somme fait partie des 841 livres que l'arrêt du Parlement de Paris a sommé à Heyblot de payer...
La communauté des habitants a donc gagné contre l'administration... Dans cette procédure, on parle de syndics... que l'on pourrait aisément comparer avec un conseil municipal actuel.

Un grand bond dans le temps nous apprend ce qu'était le fait d'être maire au XVIIIème (et vraisemblablement au XVIIème siècle) :
Le dénombrement de la châtellenie de Pierrefitte (c'est à dire l'état détaillé des biens que le seigneur possède et qu'il envoie à l'administration), et qui a été établi le 8 octobre 1772, nous dit que :
"Il y a mayeur qui s'établit de trois ans en trois ans.
La charge de mayeur est mise à ferme (louée) au plus offrant et dernier enchérisseur, mais néanmoins à des gens de bien et de bonne vie, pour le profit et l'augmentation du domaine de la seigneurie."
Il prête serment devant le Prêvot de Pierrefitte qui se trouve à ce moment là en exercice... "Et font les dits mayeurs recette des menues rentes de leurs dites mairie, et rendent compte aux receveurs pour chaque an."
La charge de greffier dans chaque village (que l'on peut bien entendu comparer avec nos actuels secrétaires de mairie), est également attribuée au plus offrant. Il prête serment lui aussi.

Voici quelques rentes (ou impôts) collectées par le mayeur en 1772 :
A Loisey : Un impôt de 30 Francs et un gros (une fraction du Franc barrois) à la Saint-Rémy, par conduit (par ménage) pour la taille.
Une poule à la Saint-Rémy, et un setier (une ancienne mesure de volume pour les grains) d'avoine à la Saint-André.
A Culey : Pour le four banal, quatre Francs et huit gros par ménage ; deux Francs et quatre gros par 1/2 conduit (personne seule).
Un impôt de 19 Francs et 8 gros à la Saint-Rémy par ménage.
Douze gros pour la location du bois appelé "Côte Varin" par ménage.
Dix deniers à la fête des "Saints-Innocents" pour l'ascensement des accrues (la location des extensions naturelles et sauvages de la forêt).

D'autres sources de revenus sont également collectées par d'autres autorités, mais le maire a déjà bien des soucis. Qu'on en juge :
Ce sont en fait trois seigneurs qui se partagent la châtellenie de Pierrefitte et à qui il va falloir successivement rendre des comptes :
- Le Duc de Lorraine (que l'on appelle souvent le Roy).
- Le Marquis du Châtelet.
- Le Comte de Franquemont.

La répartition de la châtellenie est devenue complexe à la suite de ventes, d'achats, ou de mariages...
Le Duc de Lorraine en possède 1/4 + 1/8ème + 1/30ème, soit 49/120ème en tout.
Le Marquis du Châtelet : la moitié + 1/12ème de l'autre moitié, soit 65/120ème.
Le Comte de Franquemont : 1/20ème, soit 6/120ème du tout.
C'est simple... non... ?
Cette situation avait été formalisée par un arrêté du Parlement de Paris en 1613. Elle perdurera jusqu'à la Révolution malgré la domination de la France sur la Lorraine de 1648, là ou l'administration française se mettra progressivement en place... Mais elle laissera subsister cette particularité...

Ces trois seigneurs se partageaient donc les droits à proportion de leurs possessions en suivant ce que l'on appellait la "coutume".
Avant le XVIème siècle, le Barrois était régi par la coutume de Sens, ce qui nous rattachait plus à la France qu'à la Lorraine, et cette coutume correspondait en gros à nos codes civil et pénal actuels confondus.
Chacun des trois seigneurs pouvait également établir ses propres "officiers" : prévôt, gruyer, procureur fiscal, contrôleur, greffier, maire, arpenteur-juré, sergent, etc..., lesquels font les exercices de leurs charges pendant le temps et à proportion de ce que chaque comparsonnier (seigneur co-propriétaire) possède.
Cette période de responsabilité est calculée sur un cycle de quatre ans, ce qui donne ceci :
- Les officier du Roy (Duc de Lorraine) exercent leur charge pendant 19 mois et 19 jours.
- Les officiers du Marquis du Châtelet pendant 26 mois.
- Les officiers du Compte de Franquemont pendant 2 mois et 11 jours.
Par entente mutuelle, le même officier peut tenir son rôle au nom de l'un et ensuite de l'autre. Il précise au nom de qui il exerce.
Par analogie, le maire peut opérer de la même manière, et l'on peut lire "Maire royal" lorsqu'il perçoit les revenus qui sont dus au Roy.
C'est ainsi que sera nommé Pierre Varin, "Mayre royal" à Loisey dans les années 1770.

La Révolution va bouleverser de fond en comble l'administration en place.

 

L'administration révolutionnaire.

Le 26 janvier 1790, deux officiers municipaux sont élus dans chaque communauté de Loisey et Culey par les "citoyens actifs" (hommes adultes). Peut-on les considérer comme les vrais ancêtres des maires et adjoints actuels ?
Il y a 180 citoyens actifs à Loisey, et 99 à Culey. Bien que l'on utilise parfois le titre de maire, les appellations seront souvent modifiées.
Les mêmes citoyens actifs, sur convocation au prône (annonce faite à la messe) du 16 mai 1790, forment deux assemblées primaires dans notre région :

La première assemblée primaire rassemble les citoyens actifs des villages de Loisey, Géry, Resson, Culey, Salmagne. Ils s'assemblent dans l'église de Loisey.
La deuxième assemblée primaire rassemble les citoyens actifs de Longeville, Savonnières, Silmont, Tannois, Guerpont, Tronville. Ils s'assemblent dans l'église de Longeville.
Sont citoyens actifs les hommes majeurs payant une contribution supérieure à trois jours de travail...
A Loisey, il y a 16 citoyens qui se retrouvent inéligibles... Il y en a 7 à Culey... Est-ce lié à des raisons d'imposition ? On ne sait pas !
Les deux assemblées primaires éliront chacune sept représentants. Ceux-ci, à leur tour, éliront les députés et administrateurs du département et du district (futur arrondissement).

Les élections dureront cinq jours pleins à l'intérieur de l'église de Loisey, du 17 au 21 mai, et de 7h du matin à 8h du soir.
Le nombre des électeurs variera de 390 à 552. Quel brouhaha dans le village et dans l'église !
Chaque communauté est présidée par son doyen d'âge. A Culey, c'est l'abbé Joseph Major le curé ; mais à Loisey, il n'est pas cité.
On est obligé d'improviser pour tout : les listes d'appel, d'émargement, la constitution des bureaux de vote, etc...
C'est un moment crucial dans la transformation qui commence : la première notion du canton, du district, du département... Il y a également la première apparition du suffrage censitaire (basé sur le montant des impôts).

A Loisey en janvier 1791, c'est M. Longeville (M. de Longeville qui a perdu "provisoirement" sa particule) qui recueille le serment constitutionnel du curé du village.
M. Nicolas Gaudry de Culey fait de même à la même date pour son curé. On cite pour chacun le titre de maire !
En février 1792, M. Morel est cité maire de Loisey, et M. Gaudry l'est à Culey, mais d'anciens usages subsistent :
Les municipalités reçoivent du courrier officiel à faire lire à l'issue de la messe, une habitude multiséculaire !
Les baptêmes, mariages, enterrements faisaient l'objet de cérémonies religieuses enregistrées par écrit et par le curé de la paroisse depuis environ 1650.
Le 23 octobre 1792, le curé de Culey s'en désiste et le note au profit de la municipalité représentée par G. Varin (apparemment non apparenté aux Varin de Loisey).
Ainsi est créé l'état-civil qui existe encore actuellement.

Puis la Révolution s'accélère, s'exaspère, et devient la Terreur... 1793 et 1794 sont des années de turbulence en tous genres, même dans les expressions :
On trouve les appellations de syndic, de président de la commune, d'agent de la municipalité, d'adjoint.
Aux nouvelles et toutes jeunes administrations, se superpose des comités politiques (comité révolutionnaire, comité de surveillance).
Ainsi le 13 janvier 1794, une lettre de pétition demande que l'élection de la municipalité de Loisey, faite par le comité de surveillance, soit déclarée nulle...
En 1795 sera créée l'administration municipale du canton de Loisey.
Le tout amènera dilution, superposition, et... occultation des responsabilités :
Pour citer le cas le plus important ; on ne sait pas qui est responsable de la vague de dénonciations à Loisey, en juin 1793, alors que rien de tel ne se produit dans les villages voisins !

A l'administration municipale du canton de 1795 à laquelle participent d'office les agents et adjoints de chaque commune, les refus de siéger sont nombreux, en particulier pour l'agent et l'adjoint de Loisey. Un refus de siéger réitéré en 1796...
En 1797, c'est François Aubry, l'agent municipal de Loisey , qui refuse toujours de siéger.
L'émeute fomentée à Loisey pour libérer l'abbé Vast ayant fait des dégats, ce sont les vingt contribuables les plus fortunés du village qui sont imposés pour "payer les pots cassés" !
Mais ils refusent et se rassemblent, pour protester, devant la maison de l'élu.
Le refus de siéger n'est pas prévu par la loi. L'administration cantonale écrit donc que l'ordre est troublé, qu'il y a brigandage.
Sur une liste de "patriotes éclairés", le ministre nomme provisoirement M. Ponse Ponsin à la fonction d'agent municipal. Il est en plus garde forestier, sergent-major à la Garde Nationale et... apparenté à Jean Gaillet, secrétaire et animateur principal de l'administration du canton !

A Culey, les choses sont plus claires, l'agent municipal fait son travail : Il dénonce même les 23 personnes qui travaillent le jour de la fête de la fondation de la République ! L'agent se nomme François Petitjean, l'adjoint Jean Lequeux.
A leur décharge, on peut préciser qu'ils se sont fait copieusement insulter un mois plus tôt, par un certain Pierre Robert, un vigneron qui avait exité une bonne partie de la population contre ses élus...

Dès le début de la Révolution, la fonction de maire (quelle que soit son appellation) aura perdu définitivement le caractère d'une charge achetée, d'une source de revenus. Il ne reste que l'honneur d'être le premier magistrat avec les responsabilités et les soucis... que les administrés ne lui ménagent pas !

Bernard Thomas.



Le paiement de la dîme
Pieter BREUGHEL - 1622
Images d'art - Réunion des Musées Nationaux

 

 

 

 

 

 

 

 

La rue des Dîmes à Loisey rappelle la grange dîmeresse qui devait sans doute se situer dans cette rue avant la Révolution.
La dîme était un ancien impôt que l'on devait à l'Eglise, et qui était souvent payé en nature par un prélévement sur les récoltes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Président de l'Administration Municipale

Un Président de l'Administration Municipale
(Période révolutionnaire)
Labrousse, L. , Graveur
Musée Carnavalet, Histoire de Paris G.34470
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet
Licence Creative Commons Zero - Paris Musées

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Un notable du village au début du XVIIIème siècle : Jean BROUILLY


 

Jean Brouilly de Loisey

Portrait de Jean BROUILLY de LOISEY
(Photo prise aux archives du musée barrois de Bar-le-Duc par M. Bernard Thomas)
Artiste inconnu - 1742.

Jean BROUILLY était à l'origine lieutenant de cavalerie. Il fut anobli pour fait de guerre par CHARLES IV de LORRAINE. Il demeurait donc à Loisey ou il vint se retirer ensuite.
C'était une figure notable du village à l'époque, et il était grand ami de la famille Du Châtelet qui possédait un château à Loisey.
Il eu ainsi le privilège d'être enterré dans l'église de Loisey le 10 septembre 1752 parmi d'autres membres de la famille du Châtelet et des prêtres du village.

Extrait du "Nobiliaire ou armorial général de la Lorraine et du Barrois - Ambroise Pelletier - 1758" (reg. 1726, f°33) :

Broüilly (Jean), demeurant à Loisey, fut anobli par lettres données à Lunéville le 8 juillet 1726.
Contenant : "Qu'il est fils de Nicolas Broüilly, lequel après avoir servi pendant plusieurs années dans les troupes de Charles IV, et avoir essuyé la perte de la plus grande partie de ses biens, ayant eu plusieurs maisons pillées et incendiées par les troupes ennemies, fut contraint de se retirer au dit Loisey."

Ses armes : Porte de gueules, au lion d'argent allumé et couronné d'or.
Et pour cimier : le lion de l'écu hissant.

 

 


 

 

 

 

 

 

 
 

Quelques anecdotes.

Recomposer l'histoire de l'activité agricole, viticole, et artisanale de notre village durant les siècles ayant précédé la Révolution n'est pas chose aisée. L'histoire ne retient souvent que les faits les plus marquants qui entravent la vie douce et calme de notre village de vignerons tel qu'il était depuis fort longtemps...
Voici donc quelques événements remarquables recueillis dans notre village et notre voisinage. Ils sont sans lien entre eux, sinon qu'ils font partis, eux aussi, de notre histoire :

A la fin du XIXème siècle, un chercheur a recopié les éléments les plus saillants notés dans les registres d'une famille de vignerons de Bar-le-Duc, pendant plus d'un siècle : de 1539 à 1650.
Dans ce négoce, la météo et les aléas du climat avaient certainement une importance que nous avons maintenant relativisée. S'y ajoutaient, bien sûr, d'autres événement marquants. Ouvrons le registre :
En 1539, l'abondance des récoltes amène la chute des cours du vin. La queue (contenance d'un tonneau d'environ 290 litres) ne vaut plus que 2 Francs barrois. En 1545, elle vaut 6 Francs et avant la fin de l'année, 30 Francs.
Puis voici des années de gel : Neige et gelée en avril 1573. Froid à Pâques, Quasimodo et mai 1576. Des vignes gelées deux ans plus tard.
En 1581, les fortes gelées des 2 et 3 octobre obligent à se servir des tendelins (sorte de petit tonneau) pour le transport des grappes : on ne pouvait pas utiliser les hottes. "Néanmoins, le vin fut fort bon".
Trois ans plus tard, on subit de grandes chaleurs dans les premières semaines de mai et l'abondance des vendanges fait chuter le prix du vin.
Puis suivent les années noires : en 1587, "la campagne est toute couverte de gens de guerre". De ce fait, le coût de la vie augmente : en novembre, le vin vieux vaut 140 Francs la queue, le nouveau 70 F, et il en vaut 160 F en décembre...
Les gens crient famine. La peste règne à Bar en 1588 - 1590.
Les difficultés de vie sont grandes : il y a des taxes sur les moulins, le vin, la bière, les animaux de boucherie.
En 1594, les vignes gèlent. L'année suivante, il y a un pied et demi de neige les 17, 18, et 19 avril...du jamais vu... bêtes et gens meurent de faim.
Enfin un rayon de soleil : le 21 octobre 1595, on reprend le marché à la Ville Haute à Bar (marché interrompu depuis 7 ans à cause de la guerre et des épidémies...). Notre négociant note : "la troisième semaine de juin 1598, la paix est publiée en France, entre le Roi Henry IV et Philippe II d'Espagne. La guerre, la famine et la peste sont assoupies"... ce qui n'a pas empêché la neige de tomber le 11 octobre 1597.
Le ciel est encore souvent inclément pour les vignerons : les vignes gèlent les 25 et 26 juin 1601, ainsi que le 16 juillet 1607, où tout le vignoble du barrois est touché gravement. Le désastre est complété par un orage de grêle qui s'abat sur un front de deux lieues (8 kilomètres) détruisant les récoltes, tuant lièvres et oiseaux - 140 oisillons (peut-être des poulets) sont tués au Prieuré Notre-Dame de Bar le Duc -
En 1608, l'hiver est très rude : Il y a deux mois de froid, le vin gèle dans les caves, le bétail reste 93 jours sans sortir. On trouve des personnes mortes sur les chemins et des cadavres sont dévorés par les loups "extraordinairement affamés".
1613 et 1615 ont un climat cahotique : des enfants se baignent en janvier 1613 et le 21 avril, des vignes sont gelées. En 1615, le 24 juillet, il y a une trés forte crue de l'Ornain après quatre mois de sécheresse (on passe l'Ornain à pied sec à Bar). Dans ce débordement, on voit passer sous le pont Notre Dame, les pièces du moulin de Guerpont emportées par les eaux.

Le baromètre s'assagit apparemment jusqu'en 1628, où il gèle dans les vignes les 5 et 6 mai.
Bien sûr, depuis le début de la tenue du registre, la plume a changé plusieurs fois de mains : apparemment, on est plus sobre en détails, mais on note cependant la peste de nouveau en 1630, puis des vignes gelées en mai 1628, 1635, 1639, 1642, 1644 ; en 1646 et 1647, ce sont des gelées notées en juin et, dernière année citée, 1650 : il gèle fort le 10 août avec des dégats dans les vignes et les orges à Bar, Resson, Loisey, Culey et autres villages.

Les inondations, faisant suite aux orages, sont bien connues dans nos villages :
Hyacinthe Pasquet, le curé de Loisey, note dans le registre paroissial : "29 septembre 1687, jour de la Saint-Michel, arriva ici, comme aux autres lieux du voisinage, une inondation d'eau si grande, qu'elle remplit une grande partie des maisons, ne faisant qu'un seul continu d'eau par tout le village, entraînant tout, noyant quantité de bestiaux, ce qui arriva entre une heure et deux heures après minuit et qui mit en désordre tous les habitants pour la peur qu'ils avaient que les vignes ne soient endommagées... Dieu nous garde d'un pareil accident".
En 1784, le 25 février, la fonte des neiges a eu des résultats catastrophiques : à Culey, on signale entre un quart et un tiers de terrain emporté à la Grand Chaîne, au Houis, à la Pietelle, ainsi que près de trois hectares de vigne où la terre est emportée jusqu'à la roche.
Les dégats ayant été très importants dans le Barrois, l'administration demande en avril aux villages touchés, de déclarer les dommages subis, en vue d'une indemnisation.
Culey est précis dans sa réponse ; Loisey l'est beaucoup moins, mais déclare qu'il est le village du Barrois ayant subi les dommages les plus considérables !
On sait cependant que dans les deux villages, les chemins de traverse n'existent plus.
Des gelées, en plein été, sont encore signalées par M. Bertrand de Loisey qui, sur son agenda, note les 4 et 5 juillet 1864 : "il a gelé tellement fort que des vignes ont été touchées ; on a vu de la gelée derrière le moulin le 11 août 1864, deux jours après la fin des moissons".
Ce serait réciter litanies que d'écrire toutes les inondations occasionnées par les orages au XIXème siècle : Le 12 août 1809, 11 mai 1868, 25 novembre 1882... Ce sont les plus importantes.
A Loisey, on constate parfois une hauteur de 0,50m d'eau dans les rez de chaussée.
Les ponts (qui sont en bois) sont emportés en 1868...
Pour faire face à cette hécatombe, l'administration départementale, enfin, préconisera le curage du ruisseau...

Relatons un événement rarissime...
Dans le journal domestique de M. Brai, marchand à Bar, on lit ceci : "Ce jour 19 octobre 1726, vers huit heure du soir, la ville fut épouvantée d'un signal qui parut dans les airs. Le ciel était tout en feu qui avait le le même mouvement que les nuages. On sonna les cloches par toute la ville, au moins au moins jusqu'a minuit ; les uns se réfugiaient dans les églises, les autres moins timides, se tenaient devant leur porte à examiner l'issue de ce signal...
Le lendemain, personne ne voulait convenir d'avoir eu peur".
L'abbé Vautier, curé de Bonnet, décrit ce phénomène dans son registre paroissial : "Une colonne de feu, large en bas, se rétrécissant en haut, qui augmenta de telle manière que l'air était en feu et en fumée du septentrion à l'occident, depuis Delouze jusqu'à Montiers sur Saulx. On voyait les colonnes de feu palpiter et se déployer à une vitesse surprenante, comme la fumée le fait contre la voûte d'un four et elles se combattaient dans une plus basse région avec un mouvement terrible, on aurait pu lire à leur clarté et cela dura jusqu'à minuit. On avait vu quelques jours auparavant des dispositions dans les airs, environ 2 heures après minuit".
La date donnée est identique à l'observation à Bar le Duc : le 19 octobre 1726.
Apparemment, ces deux récits décrivent une aurore polaire, un phénomène extrêmement rare dans nos régions... et qui a dû faire l'objet de longues conversations !

Terminons ce chapitre par l'éclipse de soleil du 25 juillet 1749. Elle est observée, à Commercy, par le Roi Stanislas et sa cour.
A cette occasion, on organise des fêtes, des comédies, des opéras... Les dames y participent en présence de Voltaire et de son amie, la Marquise Emilie du Châtelet, qui était alors enceinte de sept mois.
Ce sera sans doute les dernières grandes fêtes qu'Emilie goûte, puisqu'elle décèdera deux mois après...

B. Thomas.

 


Rue de village lorrain

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Crimes et châtiments - La justice à Loisey.

L'évocation de la justice des temps passés amène, à l'esprit, les images que notre époque nous suggère avec, en toile de fond, un château fort, et sur la place, un gibet où un malheureux attend que la corde se resserre, devant une population curieuse et pétrifiée.
Que disent nos archives ? Jusqu'au XVIème siècle, les écrits sont rares dans ce domaine, et voici soudain qu'ils parlent.
Lorsque le château de Loisey est érigé vers 1650, le seigneur de la châtellenie de Pierrefitte, qui gouverne les lieux, n'est plus autorisé à appliquer son droit de haute justice pour les crimes... C'est le baillage de Bar le Duc qui applique les sentences.
Cependant, les symboles de l'autorité du seigneur restent en place : gibet, pilori, et carcan.
A Loisey, le gibet avait été probablement érigé au lieu-dit "La Justice"... un nom tout à fait évocateur.
Ce gibet avait été abattu par un coup de vent en 1595, mais avait aussitôt été relevé dans le courant de la même année.
Il avait entre-autre servi à pendre Claude Royer de Loisey un jour de Pâques (vers 1580 disent les textes, sans plus de précisions).
Le pauvre bougre n'avait pas fait le bon choix : condamné d'abord (pour une cause inconnue) "à être fustigé aux carrefours de Loisey", il avait fait appel au Parlement de Paris, comme c'était son droit... mais celui-ci le débouta et le condamna à la peine capitale !

Quant au gibet de Culey, on peut supposer que ce dernier aurait pu être mobile puisque, toujours vers 1580, on l'installe devant la maison du beau-père du dénommé Nicolas Ragouget.
Nicolas, qui a tué son épouse, est donc condamné à être pendu devant le domicile de son beau-père à titre de réparation.
Auparavant, on a pris soin de lui couper la main droite...
Pour se situer dans le temps, rappellons qu'à cette date, la belle église du village est encore toute neuve (1552).

Déplaçons-nous à Pierrefitte en 1633 (ou 1635) où l'on pend, en effigie seulement, Nicolas Aubertin de Loisey et Jean Maury de Resson, pour assassinats.
Evaporés dans la nature, les condamnés verront leurs biens confisqués ! Ils grossiront très certainement les rangs des bandits qui hantent les campagnes. Leur complice, Claude Garaudel, est condamné à assister au spectacle et à payer 50 Francs d'amende.
Pierre Thevenin de Culey sera lui aussi pendu en effigie en 1610, mais on ne dit ni où, ni pourquoi.

Au XIXème siècle, un chercheur a relevé les exécutions capitales faites à Bar le Duc entre 1566 et 1654 (c'est, à quelques années près, la période pendant laquelle les conditions météorologiques ont été relevées... un "siècle de fer" pour le Barrois).
Ce n'est certainement pas une liste exhaustive. Mais ce macabre dénombrement mérite d'être en partie reproduit pour éclairer certaines facettes de la vie de notre Barrois entre la fin de la Renaissance et ce que l'on a appellé "le Grand Siècle".
Claude Louis et son fils sont pendus au lieu-dit "aux Clouyères" (ville basse, vers la rue Poincaré actuelle), la veille de la Trinité 1566. La femme de Claude "est fouettée autour de la potence".
Le 26 juillet et le 23 août de la même année, il y a encore deux pendaisons ; l'une auprès de la porte du Bourg, l'autre devant la maison du condamné. Les raisons n'en sont pas connues.
Dix-sept ans après, le 3 février 1583 -par grand froid, est-il précisé-, on brûle trois sorcières : l'une de Revigny, l'autre de petit Louppy, la troisième de Bar. Elles sont responsables de "calamités publiques"... Le bûcher est dressé place de la cité ducale (ville haute).
Six semaines après, c'est au Pont Neuf (pont Saint-Jean actuel) que l'on brûle le sieur La Villette ; on n'a pas relevé la cause de son supplice.
Dans les six exécutions relevées entre 1596 et 1605, on cite un condamné rompu vif devant l'auditoire de la ville haute, dont le corps est exposé sur la roue, en haut de la chalaide de Behonne.
Parmi les pendus, il y a un faux monnayeur de Ménil sur Saulx et "un Huguenot Flamand qui ne veut pas se convertir et meurt, hérétique en 1605".
Le 9 avril 1606, Demange Loutrat de Combles, "qui a tué un homme en se défendant, est banni, après avoir été fouetté par le bourreau, par les carrefours de la ville".
Plus proche de chez nous, l'ermite de la forêt de Sainte-Geneviève, assassin de sa mère, est exécuté le 4 août 1612.
Le Barrois qui a subit des passages de troupes armées de 1567 à 1569, voit de nouveau la soldatesque internationale en 1589-1591... s'ajoutant une épidémie de peste récurente ! Ne nous étonnons donc pas de la pendaison d'un espion et de l'écartèlement d'un autre en 1589.
Les historiens parlent d'un période "plus calme" entre 1608 et 1632 : accalmie relative puisque le 20 août 1618, les barisiens sont astreints au port d'une arme sous peine d'une amende de dix Francs (des armes qui, en 1621, devront être déclarées).
Les violences sont toujours réprimées sévèrement. Une série d'exécutions capitales se fait devant l'auditoire de Bar, en ville haute, entre 1613 et 1625. L'un est roué pour avoir tué son seigneur avec une faux. Celui qui tenait le cheval de la victime est tenu d'assiter à l'exécution. Un homme de Veel subit le même sort pour avoir assassiné sa femme et une de ses filles assiste à l'exécution avec "la corde au col". Elle est ensuite fouettée... Fût-elle complice ? Ce n'est pas dit...
C'est le 23 juin 1618 qu'est décapité Thierry de Longeville (d'une vieille famille bien connue à Loisey et à Culey), pour avoir tué un jeune homme du village de Longeville.
C'est à sa noblesse qu'il doit ce type d'exécution, un "traitement de faveur"...
Enfin, en 1625, François Chouart de Salmagne, convaincu d'avoir occis son neveu pour obtenir son bien, est roué en ville haute de Bar, la veille de Pâques.
On l'a vu, le port d'arme est courant... mais ce n'est pas une raison pour expédier son père au paradis, et c'est ce que fait pourtant Claude Herraud, d'un coup d'épée, le 31 janvier 1632.
Condamné le 8 février, il est mené au supplice le 13 mars. Il est d'abord trainé sur une claie devant l'église Notre Dame, la torche au poing ; le bourreau lui coupe ensuite la main droite devant le logis de son père, puis il est roué vif. Son corps est ensuite brûlé et les cendres jetées au vent...
Le parricide est certainement celui qui subit le plus cruel châtiment.
Le 14 avril de la même année, Claude Triconville, vigneron à Couchot (maintenant un faubourg de Bar) se coupe la gorge avec une serpette. Procès est fait de son suicide : son corps trainé sur une claie est d'abord pendu par les pieds puis jeté à la voirie.
Toujours en 1632, l'armée du Roi occupe Bar. Vingt soldats "quittent les troupes, sans congé ni passeport. Ils sont repris le 8 juillet. "Ils tirent au sort et deux y étant tombés, ils sont pendus en la ville haute, les autres sont marqués d'un L à la main gauche".
Diverses armées occupent Bar et le Barrois à partir de 1634. Les populations sont écrasées de charges, d'impôts, pillées... A ces troupes vivant sur le pays s'ajoutent certains habitants du cru.
On voit ainsi trois pendaisons à Bar en 1635, dont un jeune de 17 ans "et le fils de Blaise Chabrant de Rembercourt qui a volé et commis meurtres sur les grands chemins ; pourtant il était de bonne famille et noble Richard Blaise avait épousé sa soeur".
A ce sujet, on peut noter que, dans les troupes écumant le Barrois, celles originaires de Bohême, appelées Croates, s'étaient fait une réputation terrible... Par amalgame, tout ce qui était bandit de grand chemin était traité de Croate, mais sous la plume de l'occupant français, ils sont nommés "loups des bois".
Sur ces malheurs de la guerre dans nos régions, le dessinateur Jacques Callot a fait de terrifiantes gravures...
Qui dit pendus dit bourreau... et on sait qu'un certain Choron officie pour la première fois en juillet 1651. Il prend de l'assurance dans son métier, en exécutant en septembre de la même année l'auteur du vol... d'une pistole (pièce de monnaie espagnole) !
Mais il ne conserve pas son poste, car c'est à "Pierre Chapusot que le receveur de Bar alloue 12 Francs pour exécution, par lui faite, d'un soldat, le 4 décembre 1653 et, ensuite, le mener au charnier et l'y enterrer".
Ce nouveau bourreau recevra également "10 Francs pour l'exécution, le 21 février 1654, de Thuilier, natif de Vic, le conduire à Notre Dame de Bar pour y faire amende honorable, puis après, le pendre et l'étrangler. Thuilier portera une torche d'un poids de deux livres, qui sera payée six Francs à Jean Remy, cirier". Enfin, dernière dépense occasionnée par ce jugement : "Trois Francs payés à Claude de la Garde, serrurier, pour ses peines et salaire et de deux hommes par lui employés pour faire sonner la grosse cloche au château de Bar, à l'occasion de cette exécution".
Ces derniers détails financiers donnent une partie du cérémonial qui pouvait entourer une exécution, et les drames mis en scène par la justice du baillage dans notre Barrois sont à relier aux malheurs de l'époque : convulsions des guerres de religion, des guerres contre la France, des épidémies, de l'occupation française, de la rudesse du climat... Il se passe beaucoup de choses sur un siècle, mais la vie est la plus forte, en témoignent les magnifiques maisons Renaissance de la ville haute et ville basse à Bar le Duc !

Deux anecdotes du XVIIIème siècle termineront ce chapitre.
En 1720, à Loisey, Pierre Mathelin sera exposé au carcan pendant plusieurs heures, avant d'être banni pour six ans... La cause est inconnue... peut-être une fraude ? C'est la dernière manifestation notée d'une ancienne coutume.
A Bar le 18 septembre 1789, cinq hommes sont condamnés aux galères pour "émotion populaire"... Traduisons par "incitation du peuple à la rebellion". Trois le sont à perpétuité, un à neuf ans, un à six ans... Les termes trompent : les galères n'existent plus ; les condamnés seront bagnards.
Ce sont sans doute là, les premiers signes de la Révolution qui, elle, ouvrira une autre page de la justice.

B. Thomas.

 


La Justice à Loisey

Le lieu-dit de La Justice à Loisey.
C'est à cet endroit précis, situé au sommet du versant sud de la petite vallée dominant le village et la route de Loisey à Culey, que se dressait sans doute un gibet...
Celui-ci restera en place au gré des époques, du Moyen Age jusqu'à la Révolution.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La pauvreté et la maison de charité.

A chaque époque, son langage ! Ainsi le «Centre Communal d'Action Sanitaire et Sociale» actuel a supplanté le «Bureau de Bienfaisance» en vigueur il y a un siècle, lui-même successeur de la «Maison de Charité»…

Au XVIIème siècle, la guerre de trente ans, atroce pour les lorrains, suscite des élans de solidarité que l'on peut comparer aux interventions de nos actuelles organisations non gouvernementales.
Les Filles de la Charité, ordre religieux fondé par «Monsieur Vincent» (Saint Vincent de Paul) établissent une maison à Bar Le Duc. A leur suite, des confréries se créent dans les paroisses des campagnes, sans que l'on puisse donner avec certitude leur date d'implantation.
En 1724, on trouve,à Loisey, Hilaire Henrion procureur et receveur de «la confrérie de charité pour les pauvres de Loisey». Son épouse est Marguerite de Brouillé, probablement apparentée à Monsieur de Brouilly, récemment ennobli et que l'on voit reçu au château de Loisey, par le Marquis du Châtelet et sa famille le 28 octobre 1729.
On trouve ensuite sept receveurs successifs jusqu'à la Révolution.
La confrérie s'est enrichie d'une maison léguée par feu M. Henrion (est-ce le notaire en exercice de 1744 à 1757 ?). Ce legs avait été accordé à condition de loger, dans ladite maison, une «sœur de charité».
Aux inventaires de la Révolution, on écrit que cette habitation est sise rue Entre Deux Ponts. "Elle consiste en une petite grange servant d'entrée, un cellier au bout d'icelle grange, une belle cuisine, un poêle, et une assez vaste chambre à four, sans grenier dessus, couverte de tuiles, charpente, plancher, pavé, murs et croisées, le tout en très bon état... au devant, frappant sur les fossés de la rue... valeur estimée 968 livres. Dépendant de la maison, il y a un jardin de 40 verges, entouré d'une haie vive, traversé par le milieu d'un ruisseau qui va dans le village. Le jardin est planté d'arbres ; on y cultive la pomme de terre. Il y a également une petite chenevière de 10 verges. Le tout est loué au profit des pauvres pour 26 livres 15 sols par an."

Le seul compte-rendu qui nous soit parvenu est celui de 1788 ; malheureusement incomplet...
Il est cependant fort intéressant.
C'est Dominique Morel, avant dernier receveur, qui l'établit en présence de "Messire Lemoine, curé de Loisey et de Géry et des élus et officiers de Loisey".

Les recettes : 1050 livres, 13 sols, 4 deniers, sont en grande partie constituées par les intérêts des emprunts faits à la Charité et que l'on appelle "rentes". Il y a 42 comptes de rente allant de 44 à 1000 livres. Le détail n'est pas donné, mais on sait que le dernier seigneur résidant à Loisey (Florent François du Châtelet) avait, par testament, fait un don de 1000 livres à la Charité de Loisey en 1783. C'est son héritier et neveu, le duc du Châtelet, résidant à Paris, qui verse tous les ans, les intérêts de cette somme à la Charité de Loisey.

Lors de l'inventaire des titres à la "nationalisation" de décembre 1790, on écrit :
"Ces petits contrats (sans doute une bonne partie des 42 comptes) sont dus par des gens pauvres pour la plupart, et sur lesquels on ne perçoit jamais un sol de rente, vu qu'à chaque reddition de comptes, ou par billet particulier, on est obligé de les décharger de leur rente".

Autres sources de revenus : Les dons faits par les habitants, en particulier, lors d'un décès : on trouve régulièrement, sur les testaments, des dons ou des legs faits à la Fabrique de l'Eglise, à telle confrérie ou à la Maison de la Charité.

Dans les dépenses (elles-mêmes incomplètement connues), on trouve celles «de fonctionnement» :
- 1 livre 25 sols pour «raccommodage de vitres à la Maison de Charité».
- 1 livre 6 sols pour «payer l'amende pour la cheminée» (probablement à la suite d'un contrôle d'une cheminée mal entretenue !)
- 1 livre 13 sols au sonneur
- 4 livres au curé
Puis les dépenses d'activité :
- 89 livres au maître d'école
- 13 livres 19 sols à la Charité de Géry
- 340 livres 13 sols 9 deniers pour la fourniture de pain et de viande aux pauvres de Loisey.

Voici comment, à la veille de la Révolution et au niveau de la paroisse, l'entraide est constituée.
Probablement perfectible (mais nous ne connaissons que quelques éléments), elle donne l'impression d'un système bien étudié.
Aprés la "nationalisation" de décembre 1790, terrains et jardins sont vendus le 1er août 1792 pour 340 livres. Le bâtiment sera, lui, vendu le 11 mars 1793 à Claude Baillot, huissier à Bar, pour 3000 livres.
On ne sait pas comment ont été réglés les comptes des emprunteurs à la dissolution de la confrérie.
Nicolas Gérard, huitième et dernier receveur de la Charité, déclare le 12 mai 1795, que Jean Lemoine, curé de Loisey, émigré depuis 1791 "doit à la dite Charité, par acte sous seing privé, la somme de 776 livres 17 sols, cours de Lorraine". En outre, le 3 septembre 1800 (6 fructidor an VIII), on retrouve 3 créances hypothécaires au profit de la Charité au nom de :
- Pierre Rize de Géry 93 livres
- Jean Masson de Culey 158 livres
- Pierre Prévost de Culey 220 livres.

La paix intérieure revient à partir de 1800. Elle permet le retour des émigrés (dont le curé Jean Lemoine), mais on ignore quand, comment, à qui, furent réglées les sommes dues.
Après ces événements, l'aide aux plus démunis disparaît. On n'en reparlera que lorsque les communes reprendront, plus sereinement, des décisions nécessaires après la Révolution... Cette assistance deviendra progressivement "le bureau de bienfaisance". Elle aura un caractère plus administratif, limité à ses frontières.
Le rôle de "banque pour les pauvres" que tenait également la Maison de Charité, pour Loisey et les paroisses environnantes, ne sera pas repris...

B. Thomas.

 


Le mendiant - Jan Miel 1599-1663 Musée du Louvre Paris
Images d'art - Réunion des Musées Nationaux

 

Un "emprunt-impôt"... révolutionnaire.

Nous sommes bien sûr de nos jours, habitués à parler d'impôts, à établir des déclarations, à payer des tiers provisionnels... Voyons un peu ce que la Révolution, égalitaire par définition, inventa pour renflouer les caisses de l'état...
Voici donc un impôt qui fit du bruit et laissa des traces dans nos villages...

Le "conseil des 500", le corps législatif de la première République qui siègeait au Palais Bourbon à Paris, vote le 18 brumaire an IV (9 décembre 1795) un emprunt forcé qui porte sur le quart le plus imposé des citoyens. La loi vise, en principe, ceux qui ont amassé des fortunes subites à l'occasion des bouleversements successifs engendrés depuis 6 ans par la Révolution.
La « nationalisation » des biens de l'Eglise, la main mise sur les biens des émigrés, les reventes successives de ces immeubles, propriétés et autres valeurs ont généré nombre de fortunes subitement étalées et bien des jalousies...
La loi dit qu'elle ne vise pas les simples rentiers, "autrefois considérés comme riches, mais maintenant devenus pauvres..." Voyons comment elle s'y prend.
C'est le quart le plus imposé des citoyens du département qui est soumis à cet emprunt forcé... On les appelle les "prêteurs". Ces prêteurs vont être divisés en 16 classes : ceux qui seront imposés de 50 livres formeront la  1ère classe ; la 2ème classe sera imposée de 60 livres ; la 3ème 80 livres ; la 4ème : 100 livres, puis de 100 en 100 livres jusqu'à la 15ème classe. La 16ème classe concernera les fortunes de 500.000 livres et au-delà.
Le département -qui ne peut pas tout faire- se décharge sur les cantons pour établir les listes et ce, dès le jour de réception des instructions… Loisey, ne l'oublions pas, est chef-lieu de canton !
Le président de l'administration du canton se fera assister des agents municipaux (autrement dit, les maires) porteurs des rôles des contributions de 1793. Il indiquera ceux qui ont fait rapidement une grande fortune et ce que, de notoriété publique, chaque individu est censé posséder en capital. Tout doit être établi dans un délai de 3 à 4 jours...au plus, et comparé par l'administration départementale avec le rôle des contributions immobilières de 1793. Au département, on fera payer immédiatement les "prêteurs" de la 16ème classe (d'après les calculs, ils paieront immédiatement 1300 livres). Ceux-ci seront déduits du nombre total des contribuables, et on divisera le nombre des restants par quatre pour obtenir la quantité prescrite par la loi  (le quart des citoyens les plus imposés).
Une nouvelle division par quinze donnera le nombre de "prêteurs" par classe...
Au département, on relèvera dans chaque cahier de commune, le montant des plus évalués : la moyenne qui en sera faite déterminera la base d'imposition de la classe 15 ; on en établira le rôle et on opérera ensuite avec la même méthode pour chaque classe... Ce travail sera réalisé dans plusieurs bureaux à la fois, avec le nombre d'employés nécessaires "et en se faisant aider de «citoyens éclairés» (comprenons : instruits). Les rôles de recouvrement seront expédiés dans les communes au fur et à mesure de leur établissement.

Les sommes sont exigibles en 3 versements : Premier tiers : dernière décade de nivose an IV  (avant le 22 janvier 1796), deuxième tiers : début février, et le troisième tiers avant le 20 février 1796...
Voilà un emprunt établi tambour battant... et rondement recouvert.
Comment payer ?
- En "monnaie métallique" : pièces d'or et d'argent de l'ancien régime... pourtant honni par les révolutionnaires (On a retrouvé, à Loisey, des pièces martelées... on effaçait ainsi le signe de la royauté !)
- En "matière" (objets d'or ou d'argent) qui seront estimés par des experts orfèvres.
- En grains, qui serons appréciés à leur valeur de...1790 !
- Enfin, en assignats qui seront pris au... 1/100ème de leur valeur...
Matières et grains seront versés dans les magasins de la République à Bar-Le-Duc.
Les retards de paiements seront sanctionnés par une amende de 10% par décade de retard... amende non remboursable.
Pour être honnête, précisons qu'il y a des allègements : la taxe de guerre est abrogée ; les sommes versées à ce titre viendront en déduction de l'emprunt. Dès qu'il sera en possession des rôles, le président du canton assisté des maires de chaque commune, en assurera le recouvrement.
Chaque "prêteur" recevra 10 coupons représentant 1/I0ème de la somme prêtée ; coupons qui pourrons être acceptés en paiement des contributions directes...

On n'a malheureusement pas retrouvé les rôles de l'emprunt forcé pour Loisey et Culey, mais on sait que Jean Gaudry, employé comme percepteur, a encaissé 9892 livres à Culey, et que François Heybert, comme percepteur à Loisey, a encaissé 17183 livres.
L'un et l'autre ont reçu comme salaire (deux ans après...), un demi-denier par livre encaissée (une livre = vingt sols et un sol = douze deniers).
Les réclamations sont acceptées, mais à condition que le réclamant verse d'abord un acompte !
Ces récriminations ont laissés des traces : il y en a 20 à Loisey, et 28 à Culey.
En relevant la profession -ou l'état- des demandeurs, on s'aperçoit que le terme "les plus riches" recouvrait des situations très diverses.
Si 13 réclamants ne citent pas leur états, 14 se disent vignerons, 12 cultivateurs, 1 distillateur, 2 marchands, 1 menuisier, 2 rentiers, 2 veuves.
Les principales causes évoquées sont : fortune surévaluée, enfant à la défense de la patrie, enfant tué à la guerre, l'âge, la santé, les charges de famille et... ancien responsable municipal !


A Loisey, Pierre Varin est inscrit dans la 11ème classe ; il devrait donc payer 800 livres (ou 80.000 Francs). Il a payé un acompte de 6500 F, en assignats, le 30 nivose et il demande un allègement : "commerce ruiné après plusieurs banqueroutes, deux fils aux armées de la République. Il ne lui reste plus que de quoi subsister avec son épouse". On peut ajouter à sa déclaration, les 18 mois passés en prison pour raison politique, ses récoltes réquisitionnées, l'absence de deux autres fils émigrés...
La commission communnale accepte de ramener sa cotisation à 300 livres (soit la 6éme classe).
A Culey, le citoyen Petitjean fait abaisser l'estimation de sa fortune à 40.000 livres au lieu des 45.000 que maire et adjoint avaient indiquées.
L'administration cantonale apparaît compréhensive, seule deux réclamations sont refusées à ce niveau, mais on ne sait pas ce qu'à décidé le département, en dernier ressort...
Elle a bien des soucis cette administration cantonale imposée par l'Etat : on la sait divisée ; les maires et les adjoints du canton, administrateurs d'office, refusent souvent d'y siéger... c'est le cas de Loisey... Il faut trouver des percepteurs pour ce rôle plus qu'ingrat. 
Ainsi, François Heyblot de Culey, freinant des quatre fers, se voit réprimander : "Si vous refusez de recevoir le paiement de l'emprunt forcé, je vous dénoncerai et vous serez puni ; vous ne répondez pas à ma réquisition, votre conduite est malhonnête".
Enfin, il faut bien un peu amuser la galerie : c'est François Enchéry de Culey qui s'en charge.
Il est imposé de 600 livres, soit 60.000 francs. Il présente une réclamation et l'appuie d'un acompte comme la loi le prescrit : il verse 100 francs, soit une livre... La loi n'avait pas prévu de pourcentage… ça crie très fort, mais ça passe... réclamation acceptée !
Cet emprunt forcé, établi précipitamment par une administration mal supportée, amène une fermentation supplémentaire dans l'esprit public. En mars et juin 1796, le canton demande l'appui de détachements de la force armée "pour faire valoir les contraintes données contre plusieurs communes où les charges locales ne peuvent être perçues" car "les percepteurs avaient été assaillis de nuées d'insultes et d'imprécations... on avait déclaré formellement ne pas vouloir payer". Ceci particulièrement à Longeville, Salmagne, Resson, Guerpont, Géry. A Loisey, avec le prétexte plus direct d'une arrestation, ce fut l'occasion d'une révolte ouverte contre les dirigeants de l'administration cantonale. (Voir l'émeute du 22 novembre 1796 racontée dans le chapitre "presbytère").
Que n'auraient-ils détruit, nos braves vignerons et paysans, s'ils avaient su qu'à Paris, les membres du Conseil des 500, les accoucheurs de l'emprunt forcé, s'étaient attribués, en pleine période de disette, un traitement annuel équivalent à... 30 tonnes de froment !

B. Thomas.


 

assignat

Un Assignat de 5 livres (1791).
Document Wikimedia Commons (domaine public)
National Numismatic Collection, National Museum of American History - Public domain

 

Deux paroisses du Barrois dans la tourmente révolutionnaire
(Texte d'une conférence donnée par M. Bernard Thomas
à la Société des Lettres de Bar-le-Duc le 22 avril 1999)


Texte de présentation

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